Quelle orientation faut-il maintenant prendre? 

la figure faite par les balles

Rich Nuzum nous parle d’occasions de placement issues des réflexions menées lors du séminaire mondial de Mercer sur les placements, à Toronto.

Quatre choses auxquelles réfléchir et sur lesquelles agir

Cet article vise à résumer, pour les clients propriétaires d’actifs qui n’ont pas pu assister à l’événement, ma sélection de quelques-uns des principaux thèmes et idées associées exploitables qui ont été abordés lors du dernier séminaire mondial de Mercer sur les placements, à Toronto. Pour approfondir ces sujets ou trouver d’autres idées dans les contenus proposés par Mercer, mais également dans nos publications externes dont le nombre augmente chaque année, veuillez consulter la plateforme de la Communauté MercerInsight.

Au cours des dernières semaines, en plus de ma participation au séminaire, j’ai eu l’occasion d’assister à quatre conférences du secteur, de participer à des tables rondes en petits groupes et de m’entretenir personnellement avec certains de nos partenaires en gestion des placements, notamment des chefs de placements propriétaires d’actifs très bien informés et des professionnels en placements chevronnés. À titre d’acteurs du secteur, nous avons dû composer avec un niveau jamais vu de volatilité du marché à court terme au Royaume-Uni, sans parler de la tenue récente du Congrès du parti communiste en Chine et de l’évolution de l’invasion russe en Ukraine. Parmi les autres points qui ont été suivis avec attention, mentionnons les renseignements divulgués tout au long de la période de publication des résultats des sociétés et les données sur l’inflation et la confiance régulièrement communiquées.

En fonction de tous ces renseignements, voici les quatre sujets sur lesquels, à mon avis, la plupart des chefs de placements des grandes organisations complexes devront se pencher et éventuellement agir, dès que possible :

  1. Tirer parti des rendements à long terme plus élevés, tant qu’ils sont accessibles, et se tenir prêt pour la prochaine occasion si vous avez manqué la précédente
  2. Connaître son exposition à la Chine et mieux prendre en compte la diversité des marchés émergents  
  3. Maximiser les avantages de la diversification, en déterminant dans quelle mesure les investissements dans les marchés privés sont fondamentalement différents, et quelles catégories d’actif non traditionnelles offrent un réel potentiel de diversification  
  4. Adopter une approche d’investissement à volets extrêmes pour gérer les liquidités, et plus généralement préparer la gouvernance et les activités opérationnelles pour faire face aux crises  

Vous trouverez ci-dessous plus d’information sur les principaux enjeux liés à chacun de ces sujets.

1. Tirer parti des rendements à long terme plus élevés, tant qu’ils sont accessibles (ou se préparer pour la prochaine occasion)

Prenons un exemple simple et précis, le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans qui s’élevait à 1,5 % au début de l’année. Au moment de la rédaction, ils sont à 3,8 %1. Dans la plupart des marchés développés, les taux nominaux et réels des obligations à long terme ont aujourd’hui fortement progressé par rapport au début de l’année. Pour tout investisseur, cette situation représente une occasion d’allonger l’échéance du portefeuille de titres à revenu fixe ou de négocier des actifs très volatils contre des actifs moins volatils. Elle lui permet ainsi de « sécuriser » de meilleurs rendements de détention sur un horizon de placement à long terme ou de réduire la volatilité à moyen terme, tout en limitant les effets sur les rendements.

Selon moi, les propriétaires d’actifs devraient revoir leur répartition stratégique de l’actif et l’utilisation de leur budget de risque à la lumière de cette évolution dans les taux de rendement disponibles. Au besoin, cette revue pourrait être faite en dehors du cycle de révision. Si vous faisiez une revue « tous les trois ans ou au besoin », il est maintenant l’heure de faire cette revue « au besoin ». L’ampleur de la hausse des taux observée cette année est un événement qui n’arrive qu’une fois par siècle. Elle nous offre des occasions qui n’étaient plus offertes dans la plupart des devises depuis la période d’avant la Crise financière mondiale.

Il y a un an, c’était devenu une mode de s’interroger sur la place d’un titre à revenu fixe de première qualité dans un portefeuille institutionnel, étant donné le niveau très bas des taux nominaux et réels et l’existence d’un risque de pertes en capital en cas de hausse des taux d’intérêt. Cette catégorie d’actif présente désormais plus d’avantages dans la répartition stratégique de l’actif et les calculs de budgétisation du risque pour la plupart des types d’investisseurs.

Un aspect particulier de cette situation est que les investissements guidés par le passif (IGP) restent une stratégie adaptée à la plupart des régimes de retraite à prestations déterminées (PD), et ce, malgré les récents défis opérationnels rencontrés par les promoteurs au Royaume-Uni pour gérer les appels de marge sur les mises en place d’IGP avec effet de levier dans un contexte d’extrême volatilité des marchés.

L’occasion que nous avons de « sécuriser » ces rendements pourrait bientôt disparaître. D’un côté, de plus en plus de personnes nous mettent en garde sur le fait que les risques de déflation à moyen et long terme demeurent élevés. De l’autre, les banques centrales mondiales continuent de lutter pour maîtriser la spirale salaire-prix au milieu de deux chocs stagflationnistes externes (l’invasion russe et le maintien d’une politique zéro COVID en Chine). La mondialisation se poursuit (voir la section 2 ci-dessous). La numérisation et plus largement les bouleversements technologiques sont intrinsèquement déflationnistes. Et dans le secteur de l’énergie, à la fois des énergies renouvelables et des énergies traditionnelles, on observe une vague d’investissements qui devrait permettre de diminuer sensiblement les prix de l’énergie d’ici quelques années. C’est pourquoi, notre occasion de « sécuriser » les rendements liés aux taux obligataires à long terme actuellement disponibles pourrait ne pas durer.

Autre exemple pour souligner ce point, les investisseurs du Royaume-Uni ont brièvement eu une occasion, il y a quelques semaines, de sécuriser un taux nominal de près de 5 % sur un horizon de 20 ans. Au moment d’écrire ces lignes, le taux qu’ils peuvent obtenir n’est plus que de 3,7 % « seulement ».2 . C’est bien plus que le taux proposé au début de l’année, mais ce n’est pas les 5 %.

Pour les administrateurs des régimes PD ayant opté pour des stratégies de réduction dynamique des risques, Mercer avait par le passé préconisé une approche de mise en œuvre qui impliquait de faire une revue quotidienne de la capitalisation évaluée à la valeur de marché et des niveaux de taux de rendement par rapport à des seuils de déclenchements prédéfinis. Mercer avait également recommandé des opérations « automatisées » de réduction des risques (par exemple, en définissant d’avance les modifications de cibles de répartition de l’actif en cas d’atteinte d’un seuil et qui seraient applicables par défaut sans nécessiter de revue complémentaire) et une responsabilité déléguée pour la mise en œuvre (soit à une équipe interne, soit à un gestionnaire IGP soit à un chef des placements externe). Cette approche quotidienne, automatisée et déléguée ne faisait pas l’unanimité au sein du secteur. Malheureusement, certains régimes de retraite PD ont manqué des occasions de réduction des risques, et pas seulement au Royaume-Uni, car les taux de rendement sont temporairement montés puis ils sont retombés.

À l’avenir, si des investisseurs autres que ceux des régimes PD commencent à viser des durées plus longues que celle correspondant à la totalité du marché des titres à revenu fixe (la valeur de référence commune par défaut), et optent pour une approche dynamique afin d’essayer de sécuriser des taux de rendement plus élevés quand et si ceux-ci deviennent disponibles, alors ils pourraient également vouloir adopter une approche quotidienne, automatisée et déléguée de mise en œuvre.

2. Connaître son exposition à la Chine et mieux prendre en compte la diversité des marchés émergents

Ces dernières années, les investisseurs étrangers n’ont reçu relativement que peu de nouvelles encourageantes concernant le marché ou la politique économique de la part de la Chine, en dehors des rumeurs récentes concernant la suppression progressive des mesures zéro COVID, et de l’annonce indiquant que le gouvernement offrira un soutien plus important au secteur de l’immobilier. Pourtant, ces informations arrivent après la tenue du congrès du parti en octobre, qui a attisé les craintes des investisseurs étrangers concernant l’orientation de la politique économique que le pays pourrait adopter au cours de la prochaine décennie, comme en a témoigné la réaction des marchés à l’issue du congrès. Le plus frappant est que, contrairement aux précédents congrès du parti, aucun objectif précis de croissance pour l’économie chinoise n’a été défini. Cette entorse aux pratiques passées semble indiquer que la première priorité du gouvernement chinois n’est plus d’encourager le développement de la croissance économique, tel qu’il l’a fait avec succès au cours des dernières décennies et jusqu’à récemment. a croissance rapide de l’économie chinoise au cours des dernières décennies a sorti de la pauvreté une grande partie de la population chinoise et a également été le moteur de la croissance économique mondiale. Toutefois, la Chine prévoit désormais une croissance de son PIB autour de 3 % « seulement » pour 20223, bien loin des niveaux auxquels la Chine nous avait habitués.2022 L’abstention temporaire de publication des données économiques normales jusqu’à la fin du congrès, dans le but, semble-t-il, de célébrer la clôture du congrès par la communication de nouvelles économiques rassurantes, démontre à nouveau une rupture étonnante avec les pratiques courantes des marchés développés quant à la façon de maintenir la confiance des intervenants du marché. Il devient de plus en plus difficile pour les investisseurs étrangers de continuer à faire confiance au gouvernement chinois pour gérer l’économie du pays. Le gouvernement semble s’être fixé d’autres priorités. Le gouvernement semble se concentrer sur d’autres priorités.

C’est, par ailleurs, ce que reflètent les valorisations des titres chinois. u moment de rédiger cet article, le ratio cours/bénéfice actuel sur le marché des actions de catégorie A de la Chine continentale est de 16 fois, et ce, même après le fort rebond observé à la mi-novembre, contre 19 fois pour l’indice S&P 5004. De plus, lorsque la Chine rouvrira à la suite de la COVID-19, soit après plus de 2,5 années de fermeture nationale, le pays connaîtra vraisemblablement un boom de croissance, à l’instar des économies des marchés développés qui avaient fermé bien moins longtemps (normalement dans un délai de trois mois environ). Autrement dit, nous pourrions assister à court terme à un rebond important de ces titres aujourd’hui valorisés à des niveaux relativement bas.

À mon avis, tout investisseur devrait prendre une décision claire quant à la pondération des titres chinois dans son portefeuille. Cette pondération, en tenant compte de certains objectifs et considérations, pourrait être de zéro, ou reposer en partie ou en totalité sur les capitalisations boursières, ou encore reproduire approximativement le poids du PIB (ce qui conduirait à une pondération supérieure à celle fondée sur les capitalisations boursières). En d’autres termes, il n’y a vraisemblablement pas de réponse universelle quant à la place à donner à la Chine dans votre portefeuille. Les pondérations attribuées par les indices de marché ne semblent pas non plus garantir une répartition de l’actif optimale. Les principaux fournisseurs d’indices de marché ont déterminé leurs propres « coefficients d’inclusion » des titres chinois, par exemple 20 % en actions de catégorie A de la Chine continentale pour l’un de ces fournisseurs, à l’aide de méthodes transparentes. Toutefois, ces méthodes ne peuvent, par nature, intégrer les objectifs, la tolérance au risque et les contraintes propres à chaque propriétaire d’actifs. Elles ne peuvent pas non plus prendre en compte les autres titres présents dans les portefeuilles de ces propriétaires d’actifs.

Pour illustrer ce point, l’économie chinoise, avant même de procéder à un ajustement au titre de la parité des pouvoirs d’achat, est la deuxième plus grande économie au monde5. Et pourtant, un investisseur reproduisant l’indice MSCI Monde tous pays aura une exposition à la Chine plus faible qu’à Apple, une unique société. Maintenant, laissons la Chine et intéressons-nous au reste des pays émergents et frontaliers. Depuis le début de l’année et au moment de rédiger cet article, les marchés nord-asiatiques (Chine, Corée, Taiwan) ont affiché des rendements inférieurs à ceux de l’indice S&P 500 d’environ 10 à 15 %, et ce, bien que les pays émergents autres que la Chine ont ensemble enregistré un rendement globalement équivalent à celui du S&P 5006.

Du fait des tensions incessantes entre les États-Unis et la Chine, il existe de très solides arguments en faveur des investissements dans les pays émergents « non-alignés ». Ce sont des pays qui peuvent accepter des investissements à la fois de la part des États-Unis (et de la part des pays de la « coalition » dont les politiques sont alignées sur celles des États-Unis) et de la part de la Chine, et échangent avec les deux « blocs ». Ces pays profiteront des investissements de multinationales qui cherchent à se diversifier ou à accroître la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement, notamment en délocalisant dans un pays allié, mais aussi plus généralement, en délocalisant ou en diversifiant leur production dans un pays autre que la Chine, en raison des inquiétudes liées à la politique zéro COVID et à la possibilité d’autres politiques brutales qui pourraient avoir des répercussions sur l’économie chinoise. Ces pays deviendront un asile pour les entrepreneurs fortunés qui entrevoient le risque de confiscation de leurs biens sans procédure équitable et impartiale, comme celle vécue par les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine. Une délocalisation de leurs investissements dans des pays non-alignés constitue donc une protection contre tout risque d’expropriation qui pourrait exister en Amérique du Nord ou en Europe de l’Ouest si les tensions géopolitiques débouchaient sur un conflit plus ouvert.

L’évolution démographique de ces pays émergents et frontaliers non alignés est également plus favorable que celle de la Chine, dont le taux de croissance de sa population est désormais négatif et dont la main-d’œuvre n’augmente plus du fait de sa politique passée de l’enfant unique. En fin de compte, beaucoup de ces pays ont encore la possibilité de tirer vers le haut leur croissance et leur développement, et de passer de la catégorie « revenu faible » à « revenu intermédiaire » sur la base du PIB par habitant, un chemin que la Chine a déjà suivi avec succès. Par le passé et pour beaucoup de pays, cette étape de la croissance économique s’est avérée plus facile à atteindre que de passer de la catégorie « revenu intermédiaire » à « revenu élevé » (c’est le difficile défi qui attend désormais la Chine).

Tout n’est pas rose pour ces pays non alignés. La vigueur du dollar américain représentera un défi majeur pour certains d’entre eux, en raison soit de leur dette libellée en dollars, soit de la dollarisation réelle de leur économie. Ils seront touchés par la contraction de la politique monétaire américaine bien qu’ils ne partagent actuellement pas le besoin des États-Unis de maîtriser la spirale salaire-prix. Enfin, bien que déjà emprunté par beaucoup de pays, le chemin pour passer de la catégorie « revenu faible » à « revenu intermédiaire » n’est en aucun cas facile.

Quelle que soit la décision finale des investisseurs de surpondérer ou sous-pondérer la Chine, les autres pays nord-asiatiques ou les pays émergents et frontaliers non alignés dans leurs portefeuilles, j’espère que globalement les investisseurs cesseront de laisser les grands fournisseurs d’indices prendre cette importante décision pour eux. Les fournisseurs d’indices nous donnent un point de départ utile pour notre réflexion. Cependant, je pense que les décisions concernant ce sujet doivent refléter les objectifs, la tolérance au risque et les contraintes propres à un investisseur, de manière à garder une cohérence avec le reste des titres en portefeuille.

3. Maximiser les avantages de la diversification, en déterminant dans quelle mesure les investissements dans les marchés privés sont fondamentalement différents, et quelles catégories d’actif non traditionnel offrent un réel potentiel de diversification

Certains investisseurs mettent explicitement l’accent sur les médianes et le rendement de leur groupe de référence ou sont implicitement influencés par celui-ci. Pour les investisseurs américains, plus précisément pour la période de 10 années civiles qui a pris fin le 31 décembre 20217, cela a eu tendance à renforcer la préférence continue pour le pays d’origine (comme les actions américaines ont affiché des résultats supérieurs) et une aisance implicite avec la concentration croissante des titres à très grande capitalisation du secteur des technologies à l’extrémité du marché américain. Au moment d’écrire ces lignes, les cinq principales entreprises représentées dans l’indice Russell 1000 des titres à grande capitalisation américains, tous des titres du secteur des technologies, constituent près de 20 % de l’indice total. La pondération d’Apple demeure supérieure à 5 % dans l’indice8.

À mon avis, le bien-fondé de l’investissement dans la diversification des catégories d’actif, comme les actions internationales et des marchés émergents, ainsi que les placements et les titres de créance privés, l’immobilier et les infrastructures, demeure solide. Des stratégies non traditionnelles liquides, comme celles mises en œuvre au moyen de fonds de couverture, peuvent également présenter un potentiel de rendements excédentaires et de diversification impossible à atteindre avec les autres stratégies. De nombreux investisseurs demeurent structurellement en surpondération par rapport à leur succès antérieur et structurellement en sous-pondération par rapport à des secteurs importants de l’économie réelle qui sont plus facilement accessibles par l’intermédiaire des marchés privés, et à une innovation technologique perturbatrice accessible par le capital de risque et le placement privé en capital de croissance.

Nous ignorons ce qui se passera avec les taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe à moyen et à long terme. Nous ignorons ce qui se passera avec la Chine, la façon dont l’invasion russe se résoudra ou la trajectoire exacte des politiques et des actions entourant les changements climatiques, etc. Dans ce contexte de grande incertitude, une diversification dynamique paraîtra raisonnable pour la plupart des investisseurs. Les marchés ne font pas que progresser de façon graduelle : ils sont plutôt volatils, avec des hauts et des bas intenses. Il s’agit d’une situation dans laquelle la diversification est un atout très précieux.

Certains experts de l’industrie prétendent que les placements privés ne sont qu’une forme à effet de levier de titres cotés en bourse. Je suis fondamentalement en désaccord. Les capitaux privés diffèrent des capitaux publics. Les deux ont leur place, mais le marché semble favorable à une privatisation accrue des capitaux au fil du temps. Autrement dit, il y a moins d’actions cotées en bourse disponibles sur les marchés développés maintenant qu’il y a 10, 20 ou 30 ans. Selon des données empiriques, il y a maintenant des années que l’indice Wilshire 5000, composé de titres américains, n’arrive pas à trouver 5 000 titres à inclure9.

Dans les catégories d’actif de l’immobilier et des infrastructures également, les capitaux privés demeurent courants et diffèrent à d’importants égards de ce qu’offrent des formes cotées en bourse de ces catégories d’actif.

Tous les investisseurs ne partageront pas mon point de vue sur ces catégories d’actif, mais aux yeux de ceux qui sont d’accord avec moi, il semblera logique de maintenir le rythme de la diversification dynamique. Les années 2009 et 2010, au sortir de la crise financière mondiale, sont probablement deux des meilleures années de tous les temps pour la plupart des catégories d’actif des marchés privés. Donc, si nous tombons bientôt en récession, il peut être judicieux de maintenir le rythme du déploiement sur les marchés privés, ou de l’accélérer en fonction des cibles des stratégies à plus long terme.

4. Une approche d’investissement à volets extrêmes en matière de gestion des liquidités, et plus généralement pour la préparation de notre gouvernance et de nos opérations en cas de crise

Puisque de plus en plus d’investisseurs accroissent leurs pondérations des placements privés relativement non liquides, et doivent donc conserver des liquidités pour financer des appels de fonds, la gestion des liquidités nécessite une attention plus particulière. Les liquidités peuvent également être utiles pour financer des occasions de placement opportunistes ou dynamiques lorsque les marchés se font volatils. Et les clients qui couvrent les risques de change, exercent des activités de couverture contre les risques extrêmes ou font d’autres utilisations de produits dérivés, par exemple pour les investissements guidés par le passif (IGP), peuvent avoir besoin de liquidités pour financer les appels de fonds.

Pour les investisseurs qui peuvent emprunter sur les marchés physiques et investir le produit dans des obligations de qualité d’une durée semblable à celle de la dette émise, cela peut donner accès (moyennant un certain coût selon le coût d’emprunt par rapport au rendement net du portefeuille d’obligations) à un volant de liquidités qui n’est pas conditionnel à la capacité de vendre des actifs corporels sur le marché financier. (De nombreux systèmes de santé sans but lucratif, certains établissements d’enseignement supérieur et certains fonds souverains peuvent emprunter sur les marchés physiques, par exemple). Ce volant de liquidités ne serait pas non plus conditionnel à la disponibilité continue des lignes de crédit. Il constituerait donc une forme de liquidités plus fiable que d’autres moyens courants de conserver un peu de « poudre sèche ».

Un autre moyen de maintenir des réserves de liquidités consiste à remplacer un fonds indiciel passif ou un placement dans des titres cotés actifs par un portefeuille en espèces non converties de transactions au comptant et à terme ou un portefeuille de swaps au comptant et à terme, ce qui est connu comme l’approche des « capitaux propres synthétiques ». Lorsqu’il est nécessaire de financer des appels de capitaux pour des investissements sur le marché privé, des appels de marge sur des positions dérivées, ou une occasion d’acheter soudainement des avoirs non désirés de tout type auprès de vendeurs forcés, ou simplement pour payer des prestations, financer des subventions, couvrir des bourses d’études, etc., cette trésorerie est facilement disponible, quel que soit l’environnement du marché.

Une meilleure gestion des liquidités doit être associée à une meilleure gestion opérationnelle pour être efficace. Durant la récente période d’extrême volatilité au Royaume-Uni, on a demandé à de nombreux promoteurs de régimes de retraite à prestations déterminées de faire en l’espace de quelques heures ou de quelques jours ce qu’ils auraient normalement fait sur des semaines ou des mois. Le fait d’envisager à l’avance l’éventail connu de scénarios opérationnels, de définir au préalable ce qui devrait être fait de manière opportuniste ou dynamique en réponse à ceux-ci, et de déléguer la responsabilité de cette mise en œuvre à du personnel à l’interne, à un sous-comité formé de membres du Comité de placement ou à des professionnels externes, devrait favoriser la capacité d’une institution à répondre avec agilité à la crise ou à saisir l’occasion.

Même si le scénario précis qui se concrétise ne correspond pas aux scénarios prévus, une institution qui s’est prêtée à l’exercice de définition des politiques et de délégation de la mise en œuvre pourrait bénéficier de cette « mémoire musculaire » et être en mesure de réagir plus vite à un événement « nouveau et inattendu ». Par définition, nous ne pouvons probablement pas prédire la nature de notre prochaine « crise » ni les occasions de placement qu’elle créera.

Les « analyses de scénarios » sont un exercice auquel nous aimons nous livrer périodiquement. (On l’appelle parfois « exercice d’incendie ».) Le Comité de placement et le personnel entrent dans une salle de conférence et ouvrent une enveloppe, dans laquelle se trouve un document racontant l’histoire entourant une crise ou une occasion dans l’économie ou sur les marchés. Il peut s’agir d’un réel scénario historique, comme la crise financière mondiale, un krach boursier éclair ou le creux enregistré pendant la pandémie de COVID-19 en mars 2020. Sinon, il peut s’agir d’un scénario fictif, mais plausible pour l’avenir. L’équipe détermine ensuite ce qu’elle aimerait faire en lien avec cette stratégie si ce scénario devait se produire. Ensuite, le comité cherche à déterminer s’il existe toute autre politique dynamique ou opportuniste à élaborer, ou une prédélégation de pouvoir ou de responsabilité qui pourrait faciliter la mise à exécution de ses actions souhaitées, si un tel scénario devait arriver. Parmi les scénarios actuels non inspirés du passé, mentionnons a) un conflit entre la Chine et Taiwan (choc stagflationniste énorme, d’un ordre de grandeur supérieur à celui de la Russie et de l’Ukraine), b) l’adoption d’une taxe sur le carbone aux États-Unis (un choc stagflationniste, mais qui a donné un élan considérable aux actifs durables) ou c) la découverte d’une cure contre le cancer (une bonne nouvelle, mais qui, sur le coup, a plongé dans l’insolvabilité la plupart des systèmes nationaux de sécurité sociale, des systèmes de soins de santé et des régimes de retraite à prestations déterminées).

Conclusion

Si l’un de nous s’était endormi l’an dernier et se réveillait aujourd’hui, il trouverait le monde et ses occasions de placement radicalement différents, et ce, à d’importants égards. Comme la grenouille proverbiale dans la marmite d’eau qui est portée lentement à ébullition, avec ce que nous avons traversé dans la dernière année, nous nous sommes habitués à certaines de ces réalités qui se sont sournoisement infiltrées dans notre vie. Un examen des objectifs, de la stratégie et de la mise en œuvre serait peut-être opportun maintenant pour la plupart des investisseurs, avant que de nouveaux risques n’émergent ou que la résolution des risques actuels ne devienne évidente. Le fait de rectifier les objectifs, la stratégie et la mise en œuvre peut nous aider à répondre aux menaces et à saisir les occasions avec une plus grande agilité, même si le scénario futur en question est différent de tout ce que nous avions imaginé.

Veuillez accepter nos meilleurs vœux en cette époque pour le moins intéressante, Rich Nuzum


Notes de bas de page :

1. Source : Refinitiv, rendement du marché sur Bloomberg U.S. Treasury Bellwether : 1sur 10 ans, en date du 11 novembre 2022.

2. Source : Refinitiv, rendement du marché sur les gilts de l’accord de libre-échange du Royaume-Uni, rendement actuariel brut sur une moyenne de 20 ans, en date du 11 novembre 2022.

3. Source : Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale, 11 octobre 2022, croissance du PIB de la Chine estimée à 3,2 % pour 2022.

4. Source : Indice de rendement total S&P 500 en dollars américains et rendement net de l’indice MSCO Chine continentale en dollars américains, ratios cours/bénéfice actuel (au cours des 12 derniers mois) en date du 11 novembre 2022.

5. Source : World Population Review, consulté le 11 novembre 2022 (https://worldpopulationreview.com/countries/by-gdp)

6. Source : Refinitiv et Bloomberg, rendement total en dollars américains pour l’indice composé S&P 500, MSCI Chine, MSCI Corée, MSCI Taiwan and MSCI ME hors Chine, en date du 11 novembre 2022.

7. Source : Un rendement se rapporte à un portefeuille composé à 60 % d’actions (mesuré par l’indice S&P 500) et à 40 % d’obligations (mesuré par le Trésor américain à 10 ans) supérieur à celui de la trésorerie (mesuré par le taux des fonds fédéraux). Données sur les actions et les fonds pour la période de 10 ans qui a pris fin le 31 décembre 2021 : Robert J. Shiller (Données utilisées dans « Irrational Exuberance » Princeton University Press, 2000, 2005, 2015, mise à jour) http://www.econ.yale.edu/~shiller/data.htm). Données sur l’encaisse : Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine (US) VIA FRED. À titre indicatif seulement.

8. Source : Refinitiv, composantes de l’indice Russell 1000, en date du 30 septembre 2022.

9. Source : Site Web de Wilshire, consulté le 14 novembre 2022 ( https://assets-global.website-files.com/60f8038183eb84c40e8c14e9/62f158f90ae83f59cf4a6ab8_FT_Wilshire5000_IndexSeries_WhithoutMidCap.pdf)

À propos de l’auteur(s)
Rich Nuzum

Rich Nuzum, Responsable principal et Stratège en chef mondial, Placements. Rich discute des occasions d’investissement provenant des réflexions du Séminaire mondial sur les placements de Mercer à Toronto.

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