Redéfinition du travail et de la retraite
Entre 2015 et 2050, le nombre de personnes âgées d’au moins 60 ans aura presque doublé dans le monde. De plus en plus de gens vivent jusqu’à 30 ans de plus que les générations précédentes – et recherchent aussi une vie différente plus tard.
Un changement démographique considérable est en cours et il présente un énorme défi pour les employeurs au moment où ils cherchent des moyens d’harmoniser les pratiques de travail et la « retraite » avec la nouvelle réalité que constituent les désirs de leur main-d’œuvre.
Les données de la plus récente Ênquête mondiale sur les tendances en matière de talents de Mercer montrent que seulement 16 % des employés – soit une baisse de 25 % par rapport à il y a à peine trois ans – entendent cesser de travailler complètement à l’âge de la retraite. Un pourcentage écrasant de l’ordre de 84 % prévoit continuer de travailler à cet âge, dans certains cas en réduisant les heures de travail, en se retirant progressivement de la vie active ou sans plan préétabli.
Les données révèlent que de nombreux employés veulent demeurer sur le marché du travail afin de conserver leur agilité d’esprit, occuper leur temps ou conserver un sentiment d’utilité. Cependant, tout ne se résume pas à un choix de mode de vie : presque les deux cinquièmes (38 %) des sondés sont motivés par des préoccupations financières.
Voilà pourquoi Mercer travaille, de concert avec le Forum économique mondial (FEM), à résoudre le problème de la résilience financière de notre population mondiale rapidement vieillissante, lequel a d’ailleurs été l’un des sujets débattus lors de la réunion annuelle de 2022 du FEM à Davos en Suisse.
Il s’agit d’un problème de taille complexe. Cependant, les employeurs ont un rôle crucial à remplir dans l’évolution d’une main-d’œuvre plus flexible, plus inclusive et plus efficace et peuvent, pour cela, s’y prendre de plusieurs manières.
1. « Rentes de subsistance »
Comme mentionné plus haut, l’un des facteurs clés déterminant une personne à continuer de travailler est l’inadéquation des ressources dont elle dispose à la retraite. Dans de trop nombreux pays à l’échelle mondiale, y compris de nombreux pays développés, la rente moyenne est nettement inférieure au pourcentage de référence recommandé pour maintenir son niveau de vie à la retraite et qui se situe à environ 65 % à 80 % des revenus avant la retraite. Ce problème concerne tout particulièrement les femmes, qui gagnent et épargnent moins durant leur vie active.
Le problème est que l’établissement du revenu de retraite d’un ménage et de ce qui représente une rente adéquate dépend de nombreuses variables qui, d’autre part, varient énormément au sein d’un pays et entre les pays.
Notre recherche a permis de constater que, en 2022, seulement 25 % des entreprises offrent ou prévoir offrir des rentes de subsistance à différentes populations. Malgré l’intérêt croissant des employeurs pour l’établissement de paramètres de fixation d’une rente équitable, en pratique, ils trouvent notoirement difficile de déterminer ce qui devrait correspondre à une rente de subsistance pour leurs employés. Aussi, Mercer a conçu une méthodologie pour examiner les niveaux de rente minimal, de base et assurant une vie confortable afin d’aider les entreprises à définir leur conception d’une rente de subsistance pour les employés.
2. Les travailleurs plus âgés sont-ils moins productifs?
La question est essentielle pour les organisations aux prises avec la réalité d’une main-d’œuvre vieillissante : les travailleurs d’expérience coûtent plus cher, mais leur productivité justifie-t-elle ce coût plus élevé?
Les évaluations subjectives du rendement ont tendance universellement à défavoriser les employés plus âgés, dont le niveau de rendement est jugé inférieur à celui des jeunes employés. L’étude publiée récemment par Mercer intitulée Age, Experience, and Business Performance: A Meta-Analysis of Work Unit-Level Effects, qui examine des mesures objectives du rendement (indicateurs financiers, efficacité opérationnelle et recommandations et fidélisation de clients), brosse un tableau plus nuancé.
L’étude distingue l’âge, qui correspond au nombre total d’années d’expérience de travail, et l’ancienneté, égale au nombre d’années d’expérience chez un employeur particulier.
En moyenne, l’âge d’un travailleur n’a aucune incidence sur les trois mesures du rendement d’entreprise analysées. Cependant, les résultats d’entreprise financiers et opérationnels s’améliorent au fur et à mesure de l’augmentation de l’ancienneté. Par ailleurs, les groupes de travail diversifiés sur le plan de l’âge font aussi bien que ceux comprenant des employés ayant à peu près le même âge.
Le message est clair : les travailleurs plus âgés ne sont pas moins productifs et ne gênent pas le travail des groupes diversifiés sur le plan de l’âge. Qui plus est, les employés de longue date ajoutent ordinairement de la valeur grâce à leurs compétences et à leur expérience, malgré leur coût plus élevé.
3. Repenser la retraite
Il découle de ce qui précède que les employeurs qui s’efforcent de fidéliser leurs travailleurs plus âgés et plus anciens au moyen d’ententes de travail flexible et de retraite progressive peuvent tirer parti de leurs attributs précieux. De fait, selon l’Enquête mondiale sur les tendances en matière de talents, les entreprises qui s’attendent à avoir un personnel énergique cette année sont deux fois plus susceptibles d’envisager d’offrir des options de retraite progressive.
Les entreprises ont adopté tout un éventail de solutions, en particulier à l’issue de la pandémie. Selon les données de Mercer, les trois plus populaires comprennent les suivantes : permettre aux employés d’adapter le montant de leurs prestations de retraite à différentes situations personnelles (39 %), prendre l’initiative d’offrir aux travailleurs plus âgés différentes options d’emploi comme des rôles à remplir pour des projets, du travail occasionnel, etc. (38 %), et proposer du travail à temps partiel, un mode de travail flexible ou une retraite progressive (36 %).
Encore une fois, l’exercice est complexe et nécessite une vision nuancée. Nous avons travaillé, en étroite collaboration avec le FEM, à la création d’un cadre fondé sur dix facteurs destiné à aider les entreprises à établir leurs paramètres pour développer un programme de vie active prolongée efficace.
Deux exemples permettront de donner une certaine idée de l’éventail des solutions imaginées parmi les entreprises.
L’assureur Swiss Re, confronté au départ à la retraite des deux tiers de son personnel dans la prochaine décennie, a mis en place des options de travail flexible pour tout le personnel, et non uniquement pour les travailleurs plus âgés. L’initiative s’est révélée un succès considérable, renforçant la réputation de l’entreprise comme lieu de travail formidable, augmentant le taux de fidélisation des employés et améliorant la productivité.
Le modèle de travail appelé « U-Work » d’Unilever suit une autre voie. Il prévoit la conclusion d’un nouveau contrat avec les employés et une avance de salaire garantie pour l’accomplissement d’un minimum d’heures. À cette offre de base s’ajoute une incroyable flexibilité concernant les régimes de travail, les conditions et les avantages sociaux.
Les arguments plaidant en faveur d’une fidélisation de la main-d’œuvre expérimentée sont clairs, et ceux du point de vue des employés, également convaincants. Il n’y a pas de solution universelle, mais il existe de nombreuses bonnes options – il s’agit de trouver la bonne solution pour votre organisation.