Atténuer les effets des changements climatiques
Le risque lié aux changements climatiques comporte une dimension sociale et économique, alors que ses effets se répercutent de manière disproportionnée sur les personnes les plus marginalisées, en plus de présenter un risque pour les entreprises.
Première publication par le Forum économique mondial ici.*
L’année 2023 a connu les températures les plus chaudes jamais enregistrées, une dure réalité qui confirme de plus en plus les effets des changements climatiques sur les communautés mondiales.
Entre 2011 et 2020, les températures de surface moyennes dans le monde ont connu une hausse de 1,1 degré* Celsius par rapport à celles atteintes au cours des années 1850-1900. Notre planète se réchauffe. En effet, le rapport de synthèse de 2023 du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a conclu que les changements climatiques sont déjà à l’origine de phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes qui surviennent dans toutes les régions du monde. Le rapport souligne également que les pertes attribuables aux changements climatiques s’aggravent à chaque augmentation progressive des températures à l’échelle mondiale.
Cette tendance est d’ores et déjà bien perceptible. Au cours des 50 dernières années, le nombre de catastrophes naturelles a bondi : 239 catastrophes naturelles* ont été répertoriées à l’échelle mondiale au cours des neuf premiers mois de 2023, ce qui correspond à une hausse de 214 % par rapport aux 76 catastrophes répertoriées en 1970.
Répercussions des changements climatiques sur les communautés
Si ces statistiques indiquent le taux et les coûts associés à l’augmentation des sécheresses, des inondations, des tremblements de terre, des températures extrêmes, des incendies de forêt et d’autres catastrophes naturelles, elles ne rendent pas compte de l’expérience vécue par les communautés et des effets dévastateurs sur celles-ci, ni de la répartition inégale de ces effets.
L’escalade des risques et des effets climatiques a des conséquences majeures sur la prospérité, la sécurité économique et le bien-être de la société, en grande partie à cause des effets disproportionnés sur les plus pauvres et les plus marginalisés. Par exemple, le quart de la population mondiale, soit 2,2 milliards de personnes, est exposée à des risques d’inondation et 89 % de la population mondiale vit dans des pays où les revenus sont de faibles à moyens.
À l’autre bout du spectre, les chaleurs extrêmes et les sécheresses, qui ont de graves répercussions sur la nature et les populations, figurent parmi les risques météorologiques les plus destructeurs. Si les risques liés à la chaleur engendrée par les gaz à effet de serre se font sentir dans le monde entier, les économies et les communautés des pays du Sud en subissent des contrecoups bien plus sérieux.
Le déséquilibre entre les pays du Nord, qui génèrent le plus d’émissions, et les pays du Sud, qui portent un plus lourd fardeau en raison des chaleurs extrêmes, soulève des questions sur la justice et l’équité en matière de climat. Ce déséquilibre pose également des défis importants aux entreprises à l’échelle mondiale en ce qui concerne les opérations, ainsi que la gestion des risques et la réponse aux risques.
Une vision globale des risques liés aux changements climatiques
Dans le cadre de l’évaluation des risques liés aux changements climatiques à l’heure actuelle, les équipes de gestion doivent voir au-delà des coûts économiques des dommages causés aux actifs physiques, aux locaux ou aux infrastructures et prendre en compte les dangers plus globaux des changements climatiques.
Les entreprises qui dépendent du capital humain (de la terre à la table, de l’usine à la maison , etc.) doivent évaluer les risques physiques et les risques liés à la transition et à l’adaptation pour leur personnel, ainsi que les effets domino sur les chaînes d’approvisionnement, les modèles d’exploitation et la productivité dans l’ensemble de leurs activités.
Les risques liés aux changements climatiques auxquels le personnel est exposé se concrétiseront de bien des façons en fonction de la région ou du marché dans lequel il se trouve, de son rôle et de sa propre situation. Lorsque les employés et leurs familles sont exposés à des risques, que ce soit à des phénomènes météorologiques extrêmes ou, de manière plus globale, à des changements économiques en raison de l’adaptation au climat, dont la délocalisation des chaînes d’approvisionnement ou la sortie de certains marchés, les entreprises peuvent également y être exposées.
L’évaluation des risques liés aux changements climatiques pour le personnel ne peut être ni trop générale, ni trop détaillée. Elle doit se fonder sur un modèle qui englobe une matrice complexe de conséquences, allant de l’absentéisme et de l’interruption des activités à l’évolution des avantages sociaux et de l’assurance offerte aux membres de la famille. Les entreprises qui ne tiennent pas compte des répercussions des changements climatiques sur leurs employés risquent de rater bien des occasions.
Le climat comme risque social
Les organisations tournées vers l’avenir ne doivent pas sous-estimer les risques considérables que pourraient avoir les répercussions des changements climatiques sur la vie de famille des employés, ainsi que sur leur santé et leur sécurité et celles de leurs proches.
Certaines organisations regardent vers l’avant et évaluent les menaces émergentes susceptibles d’avoir un effet sur la sécurité et le bien-être futurs de leur personnel en raison du réchauffement climatique, notamment l’augmentation des maladies à vecteur telles que le paludisme, la dengue et le virus Zika, qui sont liées aux changements climatiques.
Les conséquences de la chaleur extrême sur les gens doivent également être prises en compte à plus grande échelle pour assurer le bien-être, la santé et la sécurité de la main-d’œuvre. Le manque d’accès à des lieux climatisés ou à l’abri de la chaleur extrême a des répercussions immédiates sur la santé et pourrait causer davantage d’accidents de travail si les employés ne peuvent pas se reposer et récupérer.
De nombreuses entreprises ont fait des pas de géant en soumettant ces facteurs de risques sociaux à leurs conseils d’administration après avoir pris conscience de l’importance de ces risques sur les opérations et la capacité d’obtenir du financement.
Un monde durable pour tous
Les risques sociaux et humains auxquels les entreprises sont exposées évoluent en raison de la transition climatique. Les dirigeants peuvent les évaluer de manière proactive, les prendre en considération et élaborer une réponse stratégique afin que leur personnel et leur résultat net en ressentent moins les effets. L’établissement d’un cadre pour répondre aux risques doit avoir plus qu’une dimension altruiste : ce cadre doit être ancré dans l’approche des entreprises, approche qui reconnaît l’ampleur des changements climatiques et ses effets systémiques sur les gens et les entreprises partout dans le monde.
Alors que nous avançons en terrain inconnu en ce qui a trait aux changements climatiques, nous devons prendre conscience de leur grande incidence en tant que risque social.
La hausse des températures, les phénomènes météorologiques extrêmes et la dégradation de l’environnement n’ont pas seulement des effets sur la nature; ils se répercutent dans nos sociétés et touchent les populations les plus vulnérables. Qu’il s’agisse des déplacements de populations et des migrations ou de la pénurie d’eau et de nourriture, les changements climatiques exacerbent les inégalités sociales existantes et menacent de creuser davantage l’écart entre les nantis et les démunis.
Pour bâtir un avenir juste et résilient, nous devons nous attaquer de front aux changements climatiques en tant que risque social, en donnant la priorité à des solutions équitables, en donnant aux communautés marginalisées les moyens d’agir et en encourageant l’action collective. Un monde durable et inclusif pour tous passe inévitablement par la prise en compte des dimensions sociales des changements climatiques.