Un nouveau chapitre commence
Gérer les risques liés à la transition et à la durabilité
Le changement climatique devient un risque de plus en plus concret dans les bilans des compagnies d’assurance.
Les assureurs se concentrent donc de plus en plus sur la compréhension, la quantification et la gestion des risques liés au climat dans les deux volets de leur bilan. Cette tendance s’est récemment traduite par un repli de certains grands assureurs, qui se sont retirés des campagnes publiques de carboneutralité, telles que la Net Zero Insurance Alliance, parce qu’ils craignaient qu’elles n’enfreignent les règles anticoncurrentielles. Toutefois, le passage des assureurs vers la carboneutralité est une tendance qui devrait se poursuivre. Bien que la plupart de la transition vers la carboneutralité soit actuellement volontaire, il est essentiel que les assureurs suivent l’évolution rapide du paysage réglementaire sur le plan du changement climatique.
Par exemple, en 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada (BSIF), un organisme fédéral canadien qui supervise les institutions financières et les régimes de retraite au Canada, a publié la ligne directrice B-15, qui fournit des normes basées sur les principes pour les institutions financières sous réglementation fédérale (IFRF) en matière de gestion des risques climatiques. Les lignes directrices soulignent l’incidence potentielle du changement climatique sur la sécurité et la solidité des IFRF et du système financier dans son ensemble. En reconnaissant les risques associés au changement climatique, les IFRF peuvent prendre des mesures proactives pour gérer et atténuer ces risques.
Les événements météorologiques extrêmes retiennent déjà l’attention
À mesure que le risque et les effets concrets du changement climatique physique augmentent, les assureurs l’intègrent de plus en plus dans leurs modèles de risque. Toutefois, pour s’assurer qu’ils comprennent bien le risque auquel le changement climatique expose leurs activités, nombre d’entre eux adoptent une approche du risque climatique fondée sur la « double importance relative », englobant l’évaluation de l’incidence du changement climatique sur leurs activités et ainsi que l’incidence de ces dernières sur le changement climatique.
Selon les données de l’enquête sur les facteurs ESG de Marsh en 2023, 97 % des assureurs répondants intègrent ou prévoient d’intégrer des facteurs de durabilité dans leur tarification. Si les assureurs sont de plus en plus nombreux à utiliser des données sur le développement durable dans leur tarification, notre analyse a montré que leur utilisation reste relativement balbutiante.
Des progrès raisonnables ont déjà été réalisés en matière d’investissements
De l’autre côté du bilan, dans le portefeuille de placements, nous pensons que les assureurs sont plus avancés dans la compréhension de l’intensité carbone et du risque climatique au sein de leurs portefeuilles.
Nombre d’entre eux ont déjà commencé à travailler à la décarbonisation de leurs portefeuilles de placements. Cependant, alors que les assureurs commencent à examiner la manière dont ils réaliseront leur transition vers la carboneutralité, il devient évident que certaines catégories d’actifs sont plus efficaces que d’autres pour soutenir la décarbonisation des portefeuilles.
Par exemple, un nombre croissant d’obligations mondiales peuvent avoir une incidence directe et mesurable sur la décarbonisation d’un portefeuille et les investisseurs peuvent choisir d’investir dans des obligations qui financent des projets ayant le plus fort potentiel de réduction des émissions ou qui financent des projets et des entreprises qui soutiennent la transition.
Les investisseurs en assurance ont notamment pour défi de généralement détenir une proportion importante des portefeuilles de placements sous forme de dette publique – un secteur dans lequel il reste difficile d’extraire des données et d’évaluer l’incidence.
Si les obligations vertes gouvernementales peuvent aider les investisseurs à atteindre leurs objectifs climatiques en offrant un niveau de transparence plus élevé pour les projets sous-jacents financés, les rapports sur les impacts des placements sous-jacents ne sont pas encore cohérents. Les assureurs peuvent extraire ce type de renseignements de manière plus cohérente des équipes des finances qui émettent des créances de sociétés, ce qui leur permet de disposer d’un ensemble d’informations précieuses pour mesurer la décarbonisation dans les portefeuilles du secteur de l’assurance.
Points essentiels à retenir :
- Le nombre d’assureurs qui se fixent des objectifs de carboneutralité ou de décarbonisation risque d’augmenter. C’est ce qui ressort de la récente enquête de Mercer sur l’assurance, dans laquelle les assureurs canadiens font figure de proue, 80 % d’entre eux fixant des objectifs de carboneutralité pour leurs portefeuilles, dépassant de loin leurs homologues mondiaux (États-Unis [14 %], Europe [38 %] ou Royaume-Uni [50 %]).
- Néanmoins, de nombreux assureurs, en particulier les petits et moyens assureurs, disposent de ressources internes limitées pour planifier leur transition vers la carboneutralité ainsi que pour mesurer et gérer les risques liés à la transition et à la durabilité. Il s’agit d’un domaine complexe, et ce, de la mise en place d’une politique à sa mesure en passant par la production de rapports et le manque de données normalisées et complètes de la part du secteur de la gestion d’actifs et des placements. Si les dirigeants et les parties prenantes d’une organisation peuvent percevoir l’urgence, l’équipe de placement peut bénéficier de connaissances spécialisées, en particulier sur un marché comme celui du Canada, où le secteur de l’énergie constitue une part importante et essentielle de l’économie.