Gérer les risques humains à l’ère des innovations technologiques.  

Il est inquiétant de constater que notre étude sur les risques humains suggère l’existence d’un angle mort dans la manière dont les RH et les gestionnaires de risques prennent en compte cette menace¹. L'intelligence artificielle était classée seulement 18^e sur 25 au classement des risques humains auxquels les entreprises sont confrontées, malgré le fait que 50% des dirigeants prévoient que cette technologie changera fondamentalement leur modèle économique.

Il s’agit là d’un problème qui a son importance, car il existe des preuves solides que les avancées technologiques dépassent les compétences de la main-d'œuvre, qui n’arrive pas à suivre le rythme¹. Dans les faits, 56% des personnes interrogées dans le cadre de notre enquête estiment que les pénuries de compétences technologiques pourraient avoir un impact important voire critique sur leurs entreprises.

Sans les bons collaborateurs et les connaissances adéquates, les entreprises risquent de ne pas pouvoir saisir les opportunités qui s’offrent à elles. Les entreprises qui ne se préparent pas seront distancées par leurs concurrents.

Une autre menace clé est la perte de collaborateurs, en particulier parmi les jeunes générations. Les entreprises qui utilisent efficacement l'automatisation pour éliminer les tâches répétitives et chronophages sont souvent perçues comme des employeurs attractifs, de même que celles qui investissent dans leurs effectifs, en donnant aux salariés accès aux dernières technologies et en leur fournissant une formation sur leur utilisation.

Ne pas attirer, fidéliser et motiver les meilleurs talents peut gravement compromettre le succès de l’entreprise. La structure et la conception des avantages sociaux sont donc importantes, car elles sont cruciales pour devenir un employeur de choix, tout comme avoir les bonnes solutions en place pour attirer des talents hautement compétitifs, en particulier dans le domaine de l’IA¹.

Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faille adopter l’intelligence artificielle sans réflexion, car cela n’est pas sans risques. Par exemple, plus d'un tiers des gestionnaires des risques et des responsables des ressources humaines de notre enquête déclarent être préoccupés par la dépendance excessive des collaborateurs à l'égard du contenu généré par l’IA non vérifié et leur confiance totale en celui-ci¹.

Ce problème est à la fois réel et préoccupant. Diffuser du contenu qui est, au mieux, non vérifié et, au pire, trompeur ou incorrect, pourrait avoir un impact important sur la confiance des parties prenantes. De plus, il existe des preuves solides que les solutions d’IA mal gérées présentent des risques juridiques, de réputation et de gestion des données^2,3,4.

Un autre défi est la main-d'œuvre multigénérationnelle et la manière dont les différents groupes interagissent avec la technologie. Alors que les jeunes générations utiliseront déjà l'intelligence artificielle dans d'autres domaines de leur vie et s'attendront à y avoir accès au travail, pour d'autres, ces avancées peuvent être intimidantes. La prévalence dans les médias de récits sur les inquiétudes concernant le remplacement des emplois par la technologie, en particulier l'IA, aggrave le problème². Pour les salariés préoccupés par ces sujets, l'intégration technologique devra être stratégique, sans précipitation, et bien communiquée. L'engagement de l'ensemble des collaborateurs dès le départ est donc crucial.

Pour faire face à ces menaces, les gestionnaires des risques ont tout intérêt à collaborer avec les dirigeants de l’entreprise pour identifier les risques et les opportunités inhérents aux innovations technologiques. Cela signifie élaborer une stratégie RH axée sur le numérique, encourager l'adoption de l'intelligence artificielle en toute sécurité et collaborer avec de multiples fonctions, telles que le commerce, la technologie et la conformité¹.

Le risque majeur est la cybersécurité. Les avancées technologiques sont cruciales pour protéger les entreprises contre les pirates informatiques, mais elles augmentent également la probabilité de cyberattaques. Il y a déjà eu des cas de criminels utilisant l'intelligence artificielle pour améliorer les attaques de phishing et extorquer de l'argent aux entreprises¹. Dans le même temps, la démocratisation du télétravail et l'utilisation croissante des téléphones mobiles personnels pour accéder aux e-mails professionnels aggravent le problème. Dans ce contexte, la question à se poser n’est pas de savoir si votre entreprise sera piratée, mais quand.

Protéger les entreprises contre ces menaces nécessite un effort collectif de la part des salariés. Cependant, les pénuries de compétences technologiques et le manque de connaissances en cybersécurité sont les principales préoccupations en matière de risques humains¹.

Pour répondre à ces enjeux, les entreprises doivent d’urgence renforcer leurs compétences et éliminer les silos. Les erreurs d'utilisation et les fautes commises par les salariés restent l’une des principales causes de failles, rendant indispensable une étroite collaboration entre les RH, les gestionnaires de risques et les équipes informatiques. Une bonne pratique de la cybersécurité doit commencer dès l'intégration des nouveaux collaborateurs et doit être renforcée régulièrement au fur et à mesure de l'apparition de nouvelles bonnes pratiques. Le ton doit être donné par la direction et la formation des équipes doit être une priorité.

La cyber-assurance est un élément essentiel du puzzle, mais compte tenu des limites de capacité du marché, les entreprises devraient d'abord se concentrer sur la réduction des risques d'une attaque réussie.

Il est essentiel d’investir dans le gestion des incidents avant et après leur survenue ainsi que dans le soutien en cas de crise, afin de réduire les impacts d’un cyber-incident. Parallèlement, l’utilisation d’outils de modélisation et de quantification économique basés sur les risques permet de guider les décisions stratégiques en matière de cyber-résilience. Cela implique également d'adopter des technologies, des processus et des mesures pour se préparer aux cyber-risques et les atténuer, et pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des informations. Ce n'est qu'une fois ces objectifs atteints que l'on peut chercher à transférer les risques restants par le biais de solutions d'assurance.

Références

^{1 Enquête Mercer Marsh Benefits, Rapport sur les risques humains 2024
2 Forum Oliver Wyman, Comment l’IA générative transforme l’entreprise et la société ?
3 Kim J. et Eskins G. , IA générative  : Comprendre les risques et les opportunités
4 Bureau fédéral d’enquête, Le FBI avertit de la menace croissante des cybercriminels utilisant l’intelligence artificielle
5 Egan M. « L’IA remplace les tâches humaines plus rapidement que vous ne le pensez », CNN}