Cela fait déjà plusieurs années que la transformation du travail est au cœur des préoccupations des dirigeants RH.
Avant la pandémie, on parlait beaucoup de changements dans la nature du travail.
Avec l'arrivée de l'intelligence artificielle, la robotisation, la digitalisation.
Puis la crise sanitaire a accéléré les questions sur comment est-ce qu'on travaille ?
En 2022, ces transformations continuent sur les 2 plans.
Qu'est-ce que cela signifie pour les entreprises ?
Pour leurs parties prenantes ?
Et quels défis doivent elles relever ?
Bonjour Vincent.
Bonjour Raphaël.
Alors avant de rentrer dans le vif du sujet, peut-être qu'on peut commencer par prendre quelques minutes pour définir ce qu'on entend par transformation des entreprises ?
Oui, on parle beaucoup de transformation aujourd'hui dans tout un tas de contextes.
Un mot qui est un peu un mot valise, un mot qu'on utilise de manière très fréquente pour définir quelque chose de finalement pas très clair.
Moi, je crois que la transformation d'une entreprise c'est 2 choses.
C'est une façon de s'adapter à un contexte, un environnement.
Qu'elle soit d'ailleurs endogène, propre à l'entreprise ou exogène, propre à son contexte, à son marché, aux parties prenantes auxquelles il s'adresse.
C'est une manière de s'adapter à cela en permanence.
Par des politiques organisationnelles, des politiques RH.
Une façon de s'organiser, une façon de travailler avec ses équipes.
Ça, c'est la première chose.
Cette volonté permanente de s'adapter à un contexte qui évolue tout le temps.
Il y a 1000 exemples aujourd'hui dans l'actualité.
Voilà.
Quand une pandémie surgit, il faut être en capacité de s'ajuster.
Quand le contexte géopolitique devient crispé, il faut aussi savoir répondre à cela.
La transformation et la politique de transformation de l'entreprise, ça doit répondre à ces enjeux-là.
La deuxième chose, c'est que c'est un ensemble de corpus de méthodes de savoir faire.
Il y a des tas d'exemples comme ça.
On peut citer par exemple le Lean Management, le design thinking, le reengineering de process permanent.
Voilà.
Chez Mercer, d'ailleurs, on doit pouvoir avoir des compétences particulières pour répondre à ces enjeux de transformation.
Merci. Je crois que c'est très important.
Cet aspect.
La révolution de la façon dont on travaille qu'on a vécu ces deux dernières années.
On voit bien qu'en termes d'organisation du travail, on a beaucoup réfléchi à la question du où je travaille ?
Avec le télétravail. Maintenant, l'hybride.
Et que ça veut dire pour le management ?
Donc une transformation au niveau managérial.
Et puis, en fait, cette question n'est pas limitée.
Ou on voit aussi maintenant une réflexion sur le quand, avec la montée en puissance.
Notamment par exemple en Belgique, de la semaine de 4 jours.
Et puis aussi une réflexion un peu plus profonde sur l'écosystème des talents où les entreprises se posent la question du "Qui ?" en fait.
Au delà du modèle, un contrat pour tous les salariés.
Plusieurs variations de contrat et un écosystème beaucoup plus large.
De ressources qu'on peut employer pour arriver à ce que tu disais, la performance de l'entreprise.
Chez Mercer, comment ça se passe la transformation ?
C'est propre à notre contexte.
On est une entreprise de services, de services professionnels.
Notre métier, c'est de mettre en œuvre au service de nos clients, des compétences de nos équipes, de nos collaborateurs.
Et d'ailleurs, parfois de nos freelances.
On travaille aussi avec des gens qui ne sont pas des salariés de Mercer.
Mais qu'on met au service de nos clients, qu'on est capable de mettre en musique.
Donc notre enjeu en terme de transformation, c'est de faire en sorte que ces collaborateurs, ces équipes soient dans les meilleures dispositions de performance pour réussir pour nos clients.
Donc, ça se manifeste de plein de manières.
Il y a évidemment l'enjeu du travail hybride que tu évoquait.
Qui a pris une dimension particulièrement importante au cours des dernières années.
On a notamment négocié un accord de télétravail spécifique.
On a voulu aller au bout de cette idée de la flexibilité.
Et du caractère hybride du travail en offrant une somme de jours de télétravail dans l'année que le salarié peut utiliser.
Alors pas tout à fait comme bon lui semble.
Parce qu'on tient à garder cette idée de faire société et d'être ensemble dans l'entreprise.
Il est important de passer du temps ensemble.
Mais on a une centaine de jours à utiliser dans l'année.
Et ça permet à chacun d'adapter son contexte aux besoins de ses clients, de son équipe et des moments dans l'année du travail.
Ça, c'est un exemple de nos politiques de transformation.
Il y a aussi tout le travail sur le développement des compétences, tant hard que soft.
On travaille pas que l'expertise mais aussi le comportemental.
On a des programmes, notamment pour les cadres qui sont en début de carrière.
Mais pas tout à fait un début.
Donc on essaye de créer des promotions de collaborateurs qui travaillent ensemble.
Avec, voilà, qui apprennent des choses différemment.
On les a emmener dans des endroits un peu différents.
Par exemple à l'Insep.
Bientôt à Marcoussis pour les confronter à des logiques de performance un peu différentes.
Encore une fois, on essaye de développer un sentiment de bien-être dans l'entreprise pour une meilleure performance.
Enfin, on réfléchit énormément en permanence à l'adaptation de notre organisation, à nos enjeux et surtout aux enjeux de nos clients.
On a longtemps été, par exemple, une entreprise très centrée sur les expertises.
Des expertises de santé et de prévoyance, expertises de rémunération, des expertises de retraite.
On essaye en ce moment d'inverser cela en se tournant vers les besoins de nos clients.
Nos clients ont des besoins en termes de protection de leurs salariés, en termes de proposition de valeur pour leurs collaborateurs.
Voilà. Et ceci infuse dans notre organisation.
Et modifie notre façon de faire.
La transformation, c'est, de manière générale, une façon de penser les choses dynamiques en permanence dans une logique qui doit répondre aux enjeux de nos parties prenantes.
Pour prendre le terme que j'ai déjà utilisé tout à l'heure.
Et s'adapter à ces enjeux-là.
C'est très intéressant.
Parce qu'évidemment je vais voir des clients dans des secteurs industriels.
Où la transformation, c'est aussi la transformation du business model, de la chaîne de valeur, la logistique.
Mais en fait, au fond, les questions restent les mêmes sur la proposition de valeur pour les collaborateurs.
Comment attirer ?
On est dans un marché des talents qui est quand même ultra tendu.
Et donc toutes ces questions, de quelle expérience je propose ?
Et puis maintenant, ce qu'on voit apparaître aussi quel employabilité je vais pouvoir garantir ?
Ou en tout cas, comment je vais aider mes collaborateurs dans ce monde qui est en changement permanent ?
Comme tu disais.
Où les compétences doivent être nouvellement acquise.
On ne peut pas continuer à utiliser les mêmes compétences pendant les 50 années où on va travailler.
Donc il faut vraiment réfléchir à ce que l'entreprise peut apporter aux collaborateurs.
Et je crois qu'on est vraiment dans ce changement-là.
On parlait avant de marché, marché employeur, marché collaborateur.
Maintenant, je crois qu'on n'est pas juste dans un marché de collaborateurs.
On est arrivé à un moment où l'équilibre a changé dans le sens où c'est un vrai partenariat.
Au delà du salaire, on me paye quand je viens travailler, que m'apporte l'organisation ?
Et quels choix est-ce qu'elle me laisse faire ?
C'est aussi ça un peu.
Cette idée qu'on est adulte aujourd'hui.
Ce n'est pas à l'organisation de nous dire comment organiser notre travail ?
Mais c'est ce choix, cette flexibilité qui fait qu'on peut avoir une meilleure intégration entre travail et vie personnelle.
Absolument d'accord avec toi.
On est dans un moment un peu singulier où parfois on voit le travail comme une forme d'aliénation.
En tout cas, il a été proposé.
Finalement, ce n'est pas ça.
Le travail, c'est un élément important, essentiel.
Et pas que en termes de rémunération de notre vie.
Et donc je pense que les enjeux forts c'est cette, voilà.
C'est comme tu dis.
Cette intégration dans la vie de chacun. Voilà.
On a de plus en plus de porosité entre le monde privé et le monde professionnel.
La question est pas de remettre en cause l'un ou l'autre.
Mais de faire en sorte qu'ils s'articulent le mieux possible.
Absolument. Alors dernière question.
Qu'est-ce que ça veut dire réussir sa transformation en 2022 ?
D'abord, je pense qu'on ne sera jamais quand on aura réussi une transformation.
Parce que par définition, ça, c'est quelque chose qui roule, qui avance en permanence.
En revanche, je pense qu'il y a quelques ingrédients, quelques éléments essentiels à avoir à l'esprit.
Et moi, je pense qu'il faut en retenir un seul.
C'est la notion d'équilibre.
La transformation, elle se joue.
Si on est capable de la piloter de manière équilibrée.
Et je vais reprendre encore cette notion de parties prenantes que je trouve intéressante dans le management des entreprises.
Les parties prenantes, c'est quoi ?
C'est l'actionnaire.
En tout cas celui qui, économiquement, bénéficie de la performance de l'entreprise.
C'est son univers de clients.
En tous cas, son univers de bénéficiaire.
Ça pourrait être une association et agir pour des bénéficiaires, mais aussi des clients.
Et puis les collaborateurs.
Je pense que c'est l'équilibre entre ces 3 univers-là, en termes d'actions de transformation, qui va faire qu'on est efficace.
Avec un point d'attention, à mon avis, particulier sur les collaborateurs.
Parce que c'est ceux qui sont au point de départ du lancement de la transformation.
Et donc, si on est trop sur l'économie, on va oublier peut-être la qualité de service pour les clients.
Et on va presser les collaborateurs.
Si on est trop sur les clients, on va peut-être oublier l'aspect économie.
Je suis pas sûr qu'on puisse être trop sur les collaborateurs.
Même si, de temps en temps, voilà, il y a des exigences qui nous doivent les collaborateurs.
Mais je pense, commençons par cela.
Et je pense que c'est ça qui fait la réussite de la transformation.
Parce que c'est eux qui vont être les agents du changement dans cette logique de transformation.
Je pense que chez Mercer, c'est comme ça qu'on aborde la transformation.
C'est avec cet angle "People" pour prendre un édifice qui fait que ça marche.
Et on le voit d'ailleurs dans des exemples de transformations hyper pointues.
Par exemple une fusion acquisition.
On sait très bien qu'à peu près 40 à 50 % des fusions acquisitions rates.
Principalement pour des raisons de culture, d'engagement des collaborateurs, et cetera.
Donc peut-être que stratégiquement, l'idée de fusion acquisition était très bonne, à la fois pour l'actionnaire et pour les clients.
Mais elle s'est tellement mal exécutée sur le plan people que ça ne fonctionne pas.
Voilà. C'est un exemple.
Mais je suis sûr que t'en a plein d'autres dans ton contexte.
Et je pense que c'est l'équilibre entre ces 3.
En partant du point de vue du collaborateur qui fait que la transformation réussie comme jusqu'à la prochaine transformation.
Ouais. Je suis tout à fait d'accord.
Je crois qu'il y a, surtout dans le contexte actuel, absolument un point de vigilance sur les collaborateurs.
Ce qu'on voit dans notre grande étude annuelle Global Talent Trends qui sort le 12 avril, c'est que 8/10 des personnes que nous avons interrogées disent être au bord du burn out.
Donc ce qu'on voit, c'est qu'on a eu des grosses périodes d'incertitudes.
Il y a eu le Brexit et puis la pandémie et maintenant la guerre en Ukraine.
Cette incertitude, elle génère de l'anxiété et les gens sont fatigués en fait.
Ce qu'on voit aussi dans l'étude, c'est que les niveaux d'énergie sont bas.
Donc niveau d'énergie bas, transformation en entreprise.
Il faut faire attention à ses collaborateurs, à l'expérience qu'on leur propose.
Et réfléchir à comment en fait les aider dans ces changements.
Pour que ces changements, cette transformation, elle est devenu naturelle.
Maintenant, on est en mouvement permanent.
C'est ce que tu disais.
Et donc il faut vraiment qu'on réfléchisse à comment faire ?
Pour que ces changements qui sont anxiogènes pour l'humain de toute façon en générale.
Comment les accompagner ?
Je crois qu'il y a un rôle clé de la fonction ressources humaines à jouer dans cet accompagnement des transformations.
Et prendre aussi des directions générales qui doivent s'emparer de ce sujet-là et pas regarder que les comptes de résultats ou les bilans.
Mais aussi le facteur humain.
-Ouais, merci. -Merci Raphaël.